Une autre guerre, vue de Lvov

Le site web "une autre guerre", essaie de donner à entendre d'autres voix d'Ukraine et de Russie, sur la situation vécue de l'intérieur. Nous reproduisons ci après une série d'interview avec A., étudiant de Kharkov vivant à Lvov, qui témoigne de comment les ukrainiens vivent et survivent au milieu de cette guerre, sans toutefois succomber à la communion héroïque autour de valeurs nationalistes.


Entretien avec A., 5 avril 2022

https://uneautreguerre.wordpress.com/2022/04/06/entretien-avec-a-5-avril-2022/

Le changement dans la situation militaire et le retrait des troupes russes de la région de Kiev ont-ils un impact sur les relations entre le gouvernement et les groupes de droite ?

Je pense que pour l’instant les détails de ces relations sont masquées par le « brouillard » de la guerre, et je demeure sceptique quant à la possibilité pour ces groupes de droite de faire usage de leur puissance après la guerre. L’Ukraine ne communique pas sur ses pertes, et comme les groupes de droite sont impliqués dans certains des combats les plus intenses, on ne sait tout simplement pas à quel point ils sont encore opérationnels. Mais le fait que le gouvernement ukrainien puisse peindre la guerre comme une victoire signifie de toute façon davantage d’armes pour ces groupes et la croissance du sentiment nationaliste à travers le pays. Le gouvernement pourra imposer plus facilement la normalité dans l’Ouest, à présent, et les milices de droite locales vont poursuivre leurs attaques.

Qu’en est-il des lois interdisant certains partis politiques « pro-russes » ? Touchent-elles aussi d’autres organisations ?

Les seuls partis qui ont été visés jusqu’à présent sont des partis ouvertement « pro-russes » qui répétaient les propos du Kremlin et qui appelaient à la capitulation de l’Ukraine. Plusieurs organisations de gauche ont été menacées de mesures similaires, soit officiellement par l’État, soit par le public, depuis au moins huit ans maintenant. Tout sentiment contre l’État ukrainien dans cette « période dangereuse » est généralement vu comme pro-russe et facilement étouffé. Je pense que ce n’est qu’une question de temps avant que ces mesures « de guerre » ne soient dirigées contre les radicaux et les syndicats. L’Ukraine n’ayant pas vraiment de parti « social-démocrate », ceux qui tentent de dépeindre les partis « pro-russes » comme étant de gauche dans tous les sens du terme mentent, tout simplement.

Et la loi sur le travail, permettant de pousser la semaine de travail jusqu’à 60 heures au lieu de 40 et facilitant les licenciements ? Est-elle passée et appliquée ?

La loi est passée, mais son application est assez limitée jusqu’à maintenant, que je sache. Les réfugiés ont du mal à trouver du travail, et il est clair que les gens sont prêts à travailler 60 heures s’il le faut. L’essentiel de cette loi a pour but de formaliser des pratiques répandues dans l’Est, où la plupart des gens ont simplement quitté leur travail et ont vu leurs appartements et leurs bureaux détruits. Mais elle sera à coup sûr utilisée dans des régions non directement affectées par les combats, car le gouvernement essaie de motiver les gens à « reconstruire l’économie ».

Y a-t-il eu des lois analogues par le passé ou cette loi est-elle la marque du gouvernement Zelensky ?

Je n’ai pas entendu parler de lois similaires proposées par le passé. En Ukraine, la limite légale de l’exploitation n’est jamais appliquée en pratique, à cause par exemple de la prolifération de contrats informels. Vouloir attirer les investisseurs, réduire le coût du travail et diminuer les dépenses publiques n’est pas spécifique à la nouvelle équipe Zelensky, bien sûr. À cet égard, les gouvernements ukrainiens successifs sont vraiment tous les mêmes, et sont surtout guidés par les conditions de crédit toujours plus dures du FMI.

La « thérapie de choc » des années 1990 a conduit à une forte concentration du capital en Ukraine. Y a-t-il, depuis 2014, un changement de la structure économique, par exemple davantage de liens avec l’Occident ?

Les années 1990 ont entraîné une forte concentration du capital, c’est vrai, avec la formation d’entreprises gigantesques qui avaient le monopole de certaines industries. Une partie de ce phénomène s’est produit parce que les usines et la terre ont été privatisées et éclatées, chaque travailleur en recevant une infime part. Ces parts ont ensuite été achetées à bas prix par des banques et des holdings, souvent avec l’aide de capitaux étrangers. Les travailleurs n’avaient le plus souvent pas d’autre choix que de vendre : ils avaient besoin d’argent et on ne leur payait ni dividendes ni salaires. Ceux qui avaient un peu d’influence dans les secteurs socialistes existants ont préservé cette influence et l’ont transformée en propriété. La privatisation de la terre a entraîné des consolidations comparables, même si les étrangers ne pouvaient pas légalement acheter de la terre ukrainienne jusqu’à récemment, mais seulement la louer.

Je ne crois pas que l’influence « pro-occidentale » ait beaucoup modifié cette situation, dans la mesure où une forte intégration verticale est extrêmement utile au capital. L’Ukraine a mis fin à une partie du commerce avec la Russie après 2014 (même s’il se poursuit, bien sûr), mais ça ne signifiait rien d’autre que la nécessité, pour les usines, de se moderniser pour être en mesure de soutenir la concurrence sur les marchés européens ; il n’y a pas de « démocratisation » imminente. C’est tout simplement la poursuite de la tendance post-années 1990, avec des entreprises faisant faillite car elles n’étaient pas compétitives sur les marchés internationaux. L’essentiel de l’est de l’Ukraine a connu une chute drastique des salaires réels après la perte du gigantesque marché russe, et les investissements étrangers ont été limités à quelques secteurs, tandis que les employés publics voyaient leurs revenus stagner.

La véritable influence occidentale s’observe en fait dans les centaines de milliers d’émigrants qui sont partis en UE pour des emplois saisonniers aux conditions misérables, renvoyant leurs salaires au pays.

On parle beaucoup ici des difficultés de l’agriculture ukrainienne et on peut lire des propos de patrons réclamant le recours au « travail forcé ». À quel point la guerre a-t-elle changé la situation économique ?

Quiconque s’inscrit pour recevoir l’aide de l’État accepte de travailler pour des « projets d’utilité publique », mais je n’ai rien vu de tel se produire pour l’instant. Les gens, pour la plupart, travaillent dans la logistique et les entrepôts, et il n’y a de façon générale pas beaucoup de travail. Je suis sûr que les patrons dans l’agriculture pourront trouver des travailleurs prêts à l’esclavage pour des salaires misérables. Il est vraiment difficile d’évaluer la situation en ce moment mais, d’après ce que j’ai entendu, même dans les régions où les combats sont en cours, on trouve de la main-d’œuvre saisonnière à bas coût. Parmi les séquelles inévitables de cette guerre, la (re)construction impliquera aussi, de toute façon, beaucoup de travail non – qualifié.

As-tu quelque chose à ajouter à propos des pillages, des désertions, du refus de la conscription en Ukraine, ou autre ?

Malheureusement, je n’ai pas vu passer de nouveaux développements en ce qui concerne les pillages ou la désertion. Il y a de plus en plus d’échos de désertions du côté russe, et les sabotages biélorusses sont enthousiasmants, mais l’atmosphère générale est assez morose. Quelques activistes de gauche qui essayaient d’aider des réfugiés ont été attaqués par des nazis, et les autres glorifient la violence en cours en chantant les louanges des drones et des missiles antitanks.




Entretien avec A., 23 mars 2022

https://uneautreguerre.wordpress.com/2022/03/25/entretien-avec-a-23-mars-2022/

Alors que la guerre dure depuis un mois, les choses ont-elles changé significativement dans la vie quotidienne ?

Je pense que les gens commencent en général à comprendre que ça ne va pas se terminer de sitôt, même si, hélas, réaliser ça ne peut pas changer grand-chose. Les étudiants ne se soucient plus de leurs examens (prévus en mai-juin, et nécessaires pour terminer les études secondaires), mais sans savoir ce que le futur leur réserve. Les aides de l’État pour les déplacés internes sont faibles [2 000 UAH, soit environ 62 € au taux d’avant-guerre plus 3 000 UAH, environ 93 €, par enfant], si bien que les gens vont devoir trouver du travail pour continuer à payer nourriture et loyers. La banque centrale a gelé les taux de change, et le marché noir est le seul moyen d’obtenir des devises, avec des taux qui varient beaucoup, parfois 1,5 ou 2 fois le taux d’avant-guerre. Par conséquent, les réfugiés en Europe ne sont pas sûrs que leurs économies dans les banques ukrainiennes seront toujours là quand le marché rouvrira. Le choc soudain de l’invasion s’est transformé en problèmes d’approvisionnement constants et en une guerre d’usure à long terme.

À Lviv, c’est-à-dire assez loin du front, que produit l’afflux de gens des autres régions, notamment en termes de travail, de prix, etc. ? Les bombardements dans la région de Lviv ont-ils modifié le comportement des gens ou des autorités ?

La perspective de l’afflux de réfugiés avait provoqué une hausse des loyers déjà avant le début de l’invasion et, depuis l’invasion, le maire de Lviv a proclamé qu’augmenter les loyers équivalait à une trahison. Mais, pour autant que je sache, le seul mécanisme de contrôle public des prix consiste à faire honte aux propriétaires qui augmentent trop leurs prix. Beaucoup de gens sont arrivés dans la ville, mais la disponibilité des marchandises est relativement stable, même si quelquefois on observe des retards dans la livraison just-in-time. On se retrouve avec des rayons vides, ce qui nous rappelle la fragilité du système tout entier. Les réfugiés sont essentiellement logés, vêtus et nourris par des organisations de base de volontaires. Les milices de « défense territoriale » ont été formées et équipées les premiers jours de l’invasion. Ce sont elles qui font respecter le couvre-feu, qui patrouillent en ville et qui organisent les checkpoints. La conscription est vraiment aléatoire : certaines régions ne semblent enrôler personne tandis que d’autres mobilisent les réfugiés nouvellement arrivés. En général, le niveau de conscription n’est pas encore très élevé. Les bombardements ont assurément changé l’état d’esprit des gens, mais comme il n’y a pour le moment qu’un risque faible, voire nul, de bombardements des zones civiles dans l’ouest de l’Ukraine, les sirènes des alertes aériennes ne retentissent pas si souvent. Les cinémas qui avaient précédemment utilisé leurs salles pour des entraînements militaires ont rouvert, même s’ils interrompent le film quand la sirène retentit.

Les prix ont-ils beaucoup augmenté ?

Comme les taux de change ont été gelés, la monnaie ukrainienne est en ce moment dans un étrange capharnaüm. Officiellement, les prix sont à peu près les mêmes, avec de légères hausses pour les aliments de base. Mais dans les magasins d’alimentation ou sur les marchés, les denrées sont de 10 à 30 % plus chères. Même s’il y a parfois des augmentations drastiques – c’est le cas de l’essence par exemple, qui coûte parfois 150 % de son prix d’avant-guerre –, l’État essaie de contrôler les prix ; le principal problème est la disponibilité des marchandises. Quelques stations essence manquent encore de certains carburants. Même dans les villes loin du front, les rayonnages des magasins manquent parfois de certaines denrées. Les hausses de prix se voient plus souvent dans les villes les plus proches du front, mais la principale inquiétude est celle de se retrouver dans un magasin avec uniquement des produits de luxe, toutes les marchandises bon marché ayant été achetées depuis longtemps. Ce n’est que ma propre vision limitée des choses pour l’heure ; l’instabilité pourrait produire une aggravation des problèmes d’approvisionnement dans certaines régions.

À quel point l’économie est-elle bouleversée (marché du travail, circulation des biens, rupture des relations commerciales avec la Russie, etc.) ?

J’ai bien peur que nous ne puissions voir les conséquences de tout ça que plus tard. La rupture dans le commerce russo-ukrainien a été progressive depuis 2014 ; elle se ressent surtout dans l’est de l’Ukraine, en particulier dans les villes frontalières qui dépendaient du commerce avec la Russie. La population de ces villes cherche à présent des emplois temporaires dans l’ouest du pays et dans l’Union européenne. Le gouvernement ukrainien a gelé diverses taxes, mais ce n’est manifestement pas suffisant pour dynamiser les affaires dans l’ouest. Je pense que les organisations de volontaires qui aident en ce moment les gens à survivre pourraient être des points cruciaux d’organisation ici. Même si elles aident à pallier les manques du gouvernement, les réfugiés concentrés dans un même endroit pourraient être mécontents à cause du manque de travail et de la diminution de l’approvisionnement des marchandises, inévitable à mesure que l’UE retirera son aide.

Pour ce qui est d’une « économie de guerre », je suis très sceptique quant à la capacité du gouvernement ukrainien à l’imposer, en partie à cause de l’expérience actuelle du « contrôle des prix ». On pourrait voir se développer un travail forcé : ceux qui veulent prétendre aux aides promises aux réfugiés devant participer à du travail « socialement utile », mais je ne peux pas faire de prédictions à ce propos.

Qu’en est-il de l’absence de « gauche » en Ukraine ?

C’est vrai que l’Ukraine n’a pas de « parti social-démocrate » ou de « parti de la classe ouvrière » important. Pour être honnête, je ne sais pas vraiment comment ça se fait ! Cet état de fait modèle le mouvement antiautoritaire en Ukraine : il est clair qu’une insurrection devra se produire en dépit de l’absence d’un « mouvement de gauche », et les gens qui voudraient simplement bâtir une social-démocratie ne sont pas pris au sérieux. Je pense qu’une des raisons de l’absence d’émergence de tels partis est que chaque mouvement les voyait comme un élément négatif du passé soviétique. D’autre part, l’émergence du nationalisme sur la dépouille de la République soviétique d’Ukraine et la polarisation de la population qui en a découlé n’ont pas plus favorisé l’émergence d’une « gauche ». Alors qu’en Russie de tels partis ont gagné en popularité ces dernières années, dans l’économie ukrainienne stagnante il n’y a guère de place pour un État-providence de quelque type que ce soit, même théoriquement, et des politiques d’austérité pour s’adapter aux nécessités du marché ont été mises en œuvre par tous les gouvernements.

Au plan militaire, qu’en est-il des contre-attaques ukrainiennes ?

L’armée ukrainienne semble avoir contre-attaqué les troupes russes qui tentaient de prendre Izyum, mais la riposte qui aurait prétendument repoussé les Russes jusqu’à la frontière nord-est est une pure fantaisie. Les seules contre-attaques réussies (et pas seulement des essais locaux de tenir des fleuves ou des villes) semblent avoir eu lieu autour de Mykolaiv, où les troupes russes s’étaient trop dispersées et ont dû se replier presque jusqu’à Kherson, alors que l’attaque sur Kryvy Rih au nord était en cours. En général, il ne faut pas trop croire les rapports ukrainiens s’ils ne sont pas accompagnés de photos, de vidéos ou de confirmation de tierces parties, simplement parce que la bataille de l’information est aussi un élément de cette guerre, et que l’Ukraine a sérieusement envie de la gagner.

As-tu des nouvelles du Donbass ?

Malheureusement non, mais les gens que je connais de l’autre côté du front, au-delà du Donbass, ont vraiment peur de parler au téléphone et essaient de faire profil bas. Les milices terrorisent de plus en plus la population locale ; il y a de nombreux rapports de gens attrapés dans leurs appartements et dans les rues pour garnir les rangs de l’armée russe.

Il semble que les mouvements de protestation dans les régions occupées se poursuivent : est-ce qu’ils s’installent dans une sorte de routine ?

Je pense que « routine » est le mot juste, même s’il faut comprendre que cette routine a lieu au milieu d’une zone de guerre et fait face en permanence à la répression de la police antiémeute. J’ai vu des rapports de partisans ukrainiens « punissant » les collaborateurs, mais pas grand-chose sur d’autres formes de bouleversement.

L’arrivée des troupes tchétchènes et syriennes modifie-t-elle le discours nationaliste ?

Les troupes syriennes ne sont pas encore arrivées en Ukraine, mais les troupes tchétchènes sont là depuis le premier jour. Il y a eu de nombreuses confirmations de leur participation aux combats à Marioupol et autour de Kiev. Les commentaires antimusulmans du maire de Dnipro [Borys Filatov, qui a déclaré que « chaque soldat de Kadyrov (chef de la République tchétchène) tué sera enterré cousu dans une peau de porc. Nous verrons comment le “ciel” les acceptera. »] ne sont qu’un exemple de la rhétorique nationaliste qui prétend que les Tchétchènes sont nés « supersoldats-de-droite ». Il y a pas mal d’histoires qui circulent de « balles au gras de porc » utilisées contre les kadyrovtsi, les soldats de Kadyrov, diverses références sexistes aux mères tchétchènes, et bien davantage encore.

Qu’en est-il des protestations en Russie et en Biélorussie ?

Les protestations en Russie se sont visiblement éteintes, et une vague géante de répression déferle sur tout le pays. La seule perturbation réussie dont j’ai entendu parler est celle de travailleurs du rail biélorusse qui ont saboté les connexions avec l’Ukraine, ralentissant encore les approvisionnements déjà sérieusement problématiques des forces russes autour de Kiev.

Le gouvernement ukrainien et en particulier les services secrets (SBU) communiquent beaucoup à propos de désertions dans l’armée russe : que faut-il en penser ?

J’espère que c’est vrai, mais je n’en ai pas vu de confirmation en dehors des sources de renseignement ukrainien.

As-tu quelque chose à ajouter à propos des pillages, des désertions ou du refus de la conscription en Ukraine ?

L’attitude patriotique semble dominer pour le moment, donc l’insoumission est atomisée et localisée. J’ai bien peur de ne pas pouvoir en dire plus à ce sujet pour le moment.




https://uneautreguerre.wordpress.com/2022/03/25/entretien-avec-a-23-mars-2022/


Entretien avec A., 17 mars 2022

https://uneautreguerre.wordpress.com/2022/03/18/entretien-avec-a-17-mars-2022/

Quelle a été l’évolution des pillages et de leur répression ?

Il est vraiment difficile d’estimer à quel point les pillages se sont développés : ce qu’on voit le plus souvent ce sont les arrestations, qui sont restées courantes. La répression s’est assurément durcie depuis l’amendement à la loi sur les pillages, et j’ai vu les premiers rapports de pillards ‘trouvés morts dans leur confinement temporaire’, ce qui est horrible et probablement seulement la partie visible de l’iceberg, puisque certains sont simplement laissés nus au milieu de la rue gelée.

Des grèves ont-elles eu lieu ? D’autre part, y a-t-il des signes d’une transition de l’économie vers une économie de guerre ?

L’Ukraine dépend essentiellement des importations d’armes à présent, et les usines qui produisaient de l’armement ukrainien dans l’est ont été détruites par les bombardements russes. L’État ukrainien semble complètement impuissant face aux difficultés engendrées par la guerre, il est incapable de réguler les loyers, les prix du carburant et leur disponibilité sont aléatoires, et l’appel à un ‘retour à la normale’ dans le paisible ouest repose surtout sur des campagnes de propagande et non pas sur une quelconque contrainte au travail. Le gouvernement a cependant suspendu certaines taxes, pour essayer d’encourager les importations et inciter les gens à établir et à investir dans des entreprises pendant le temps de la guerre, et les banques ont repoussé les échéances de certaines dettes et augmenté les limites de crédit, comme un acte de fier patriotisme.

Concernant le ‘peuple en armes’, nous nous disons que la situation actuelle n’a rien à voir avec celle de l’Espagne en 1936. Qu’en est-il des groupes armés ? Quel est leur degré d’autonomie ?

La situation n’est pas comparable à l’Espagne en 1936 dans le sens où il n’y a pas de possibilité pour l’émergence d’un vaste mouvement armé de la classe ouvrière, mais je pense que l’Espagne a révélé certaines limites de l’action anarchiste : on ne peut simplement pas affronter des armées régulières d’égal à égal, nous devrions plutôt essayer de rendre le retour aux rapports capitalistes impossible, à travers la perturbation et la redistribution de masse, tout en sapant l’effort de guerre, mais on en est loin, bien sûr.

Les groupes anarchistes ukrainiens sont très petits et se battent simplement aux côtés des autres milices et formations de l’armée régulière, prenant leurs ordres de l’État. Mais il faut faire attention à ne pas généraliser à partir de ça : ça ne veut pas dire que ‘les anarchistes soutiennent [le régiment] Azov’, mais seulement que, sans organisation large, dans une situation désespérée comme celle-ci, les anarchistes n’ont pas beaucoup de choix. Puisque tu vas être conscrit de toute façon, pourquoi ne pas te battre aux côtés de tes camarades ?

Le fait que les gens soient armés est-il à considérer comme un signe d’une montée en puissance des groupes de droite ? Si un accord se faisait entre l’Ukraine et la Russie, est-ce que ces groupes armés pourraient être tentés de prendre le pouvoir ?

Je pense que les envois actifs d’armes en Ukraine en ce moment vont assurément servir des buts réactionnaires (sans parler du fait qu’ils permettent à plusieurs pays d’Europe d’exploser leurs budgets militaires), mais je ne suis pas sûr que les groupes nationalistes voudront ou seront en capacité de prendre le pouvoir politique. Je pense que Zelensky a indéniablement peur d’eux cependant, ce qui explique pourquoi il essaie de ne paraître trop ‘pro-Russe’ pendant les négociations de paix, alors qu’il a été considéré comme ça pendant toute sa présidence. Les nationalistes ukrainiens préfèrent [d’habitude] prendre les rues, patrouiller comme des miliciens, ce qui leur permet de contrôler et de prévenir les ‘activités dégénérées’, que ce soient les personnes queer qui se promènent, les gens qui s’amusent ou qui boivent un coup, ou les manifestations pour les droits des femmes. Cette invasion pourrait changer leurs ambitions en ce qu’ils progressent vers une position ‘mainstream’ et exercent de plus en plus de pouvoir, mais je me garderai de toute prédiction.

As-tu entendu parler de désertions ou de refus de la conscription ? Y a-t-il des réseaux d’aide aux hommes qui voudraient éviter la conscription et peut-être fuir le pays ou se cacher ?

Je pense que tout le monde essaie de survivre de son côté, il n’y a pas d’effort de masse ici. Les gens se cachent dans les villages, se cachent dans des coffres de voiture pour essayer de passer la frontière, mais ceux qui sont pris par la police sont promenés publiquement [paraded around] comme traîtres : les hommes n’ont pas le droit de quitter le pays, et refuser de rester et de se battre est considéré comme une trahison. La conscription se fait de façon aléatoire, les gens sont attrapés dans leur chambre d’hôtel au moment même où ils arrivent de l’est, les gens sont arrêtés aux checkpoints, donc certains décident de s’engager volontairement dans des milices locales pour ne pas être envoyés au front.

La ‘solidarité extraordinaire’ de l’Occident ne durera probablement pas. Y a-t-il des réseaux d’aide aux émigrés, en Ukraine comme en Europe ?

Il y a un bon nombre de volontaires qui aident les gens à partir, aussi bien dans les villes assiégées que dans les gares partout dans le pays, et j’ai entendu beaucoup d’histoires merveilleuses sur l’aide que les gens reçoivent de la part de gens ordinaires. C’est assez remarquable dans la mesure où il n’y a eu aucun effort officiel d’évacuation, et où l’État continue de dire que chaque ville sera défendue et qu’il n’y a pas besoin de fuir. Je ne suis pas sûr qu’il y ait de ‘plan’ ou de ‘prévisions’ cependant, la plupart des réfugiés se contentent de dépenser ce qu’ils possèdent et essaient de trouver n’importe quel travail, et le fait d’être séparés et envoyés dans des villes différentes [en Europe] par les autorités rend difficile d’établir des liens durables, particulièrement avec la barrière de la langue.

As-tu des informations concernant les mouvements de protestation en zone occupée ? Et sur la collaboration avec les Russes ?

Les mouvements de protestation continuent de se produire, mais à une échelle plus réduite que pendant les premiers jours. La Russie a tué plusieurs personnes lors de ces manifestations, mais les gens sont à présent relativement habitués à voir des corps, ce qui fait que ça n’a pas beaucoup d’impact. La police anti-émeute russe tire en l’air continuellement, donc les gens sont au courant du danger à ces manifestations, mais continuent de venir. C’est manifestement insuffisant pour perturber l’occupation russe, mais pour l’instant je n’ai pas entendu parler de la formation de résistance de ‘partisans’ non plus.

Un bon nombre de policiers et de maires des localités frontalières collaborent avec les Russes, surtout dans les endroits qui ont été conquis le premier jour, mais certains décident de collaborer pour éviter que la ville ne soit bombardée toutes les cinq minutes.

Que peux-tu nous dire sur d’éventuelles luttes en Russie contre la guerre ?

Quelques-uns de mes camarades russes ont quitté le pays, ou sont à présent de plus en plus terrifiés pour leur vie, puisque les sanctions et le blocus du pays ont intensifié la répression et que l’État a lâché toutes ses forces pour emprisonner quiconque essaie d’exprimer la plus petite forme de dissidence. Honnêtement je ne vois pas comment un mouvement peut se former dans ces conditions, aussi longtemps que la police anti-émeute russe continue à réussir à contenir et à briser les quelques manifestations qui continuent de se produire.

Veux-tu ajouter quelque chose ?

Alors que la guerre se prolonge et que l’avance de la Russie se ralentit encore davantage, je ne vois toujours pas comment la guerre pourrait se terminer : Poutine veut clairement plus et envoie davantage de forces, et Zelensky refuse de reculer et demande la Crimée, le Donbass et des garanties de sécurité. Il y a quelques étincelles de révoltes, mais elles sont rapidement supprimées, et pendant ce temps des millions de gens continuent de se déverser en Occident à travers les checkpoints de la frontière ; je sais de moins en moins à quoi m’attendre… L’image d’une guerre patriotique que l’Ukraine serait en train de remporter donne seulement davantage de pouvoir aux forces nationalistes, et diminue la probabilité d’un accord de paix. Alors que l’Ukraine essaie de relancer la production à l’ouest, on pourrait voir des mouvements d’agitation des travailleurs, mais de façon générale je crois qu’il faut nous habituer aux conflits, et développer notre propre stratégie sur cette base : comment un mouvement peut-il émerger des ruines ?

Entretien avec A., 11 mars 2022

https://uneautreguerre.wordpress.com/2022/03/18/entretien-avec-a-11-mars-2022/

Comment ça se passe depuis le début de la guerre en termes de vie quotidienne ?

Je suis originaire de Kharkiv mais j’étudie à Lviv depuis quelques années. J’ai dû quitter Lviv pour rejoindre ma famille qui évacuait Kharkiv, mais je suis à nouveau dans les territoires non occupés d’Ukraine occidentale, et je dépends essentiellement des ‘rapports’ de mes amis et parents qui sont encore à l’est, certains d’entre eux faisant partie de milices ou de l’armée régulière, ainsi que sur le large éventail d’informations publiques sur les réseaux, etc., pour comprendre ce qu’il se passe plus près de la ligne de front.

Les villes et villages qui ont été capturés jusqu’à maintenant l’ont été pendant les premiers jours du ‘blitzkrieg’ russe et de ce fait ça a causé un genre de ‘réveil dans un pays différent’. Je connais pas mal de gens qui se sont réveillés trop tard et n’ont pas eu le temps de fuir, et qui à présent ne peuvent pas évacuer : soit parce que les villes sont encore le lieu de combats ou de bombardements, soit parce que la ligne de front s’est déplacée plus en profondeur et que l’évacuation impliquerait de se déplacer à travers la ligne de front, ce qui est très dangereux – les photos et vidéos de dizaines ou peut-être centaines de voitures de civils détruites et attaquées sur les routes le confirment, si c’était nécessaire…

La situation à Kherson et dans l’oblast de Kherson est encore en évolution ; même si l’armée ukrainienne a dû quitter ces villes assez tôt (Kherson a été immédiatement abandonnée au profit d’une meilleure position défensive à Mikolaïev), la population s’est mobilisée et il y a eu plusieurs manifestations pro-ukrainiennes (‘pacifistes’ : seulement des slogans et des drapeaux pour le moment) dans les villes occupées. Ces protestations ne se sont pas éteintes même après que la Russie a fait venir davantage de police anti-émeute, mais malheureusement les tirs de sommation que les soldats ont tiré en l’air se sont transformés en vraie violence : plusieurs personnes ont déjà été tuées et des dizaines blessées dans de nombreuses villes. Je ne suis pas sûr de la façon dont ces actions pourraient se développer sur le long terme, en particulier en tenant compte du fait que l’armée russe s’installe à Kherson et en fait une base pour ses futures attaques vers l’ouest et Odessa et vers le nord et Zaporijia ; les actions de masse de civils qui ont été en mesure de ralentir l’avance russe ont clairement été temporaires et ont souvent été limitées au premier jour de confrontation (Enerhodar, Balakliya, etc.), et l’armée russe a montré son intention fascisante en n’ayant pas peur de tirer dans la foule.

Nous nous intéressons aux pillages qui sont pour nous une certaine marque des conflits de classe, spécialement en temps de guerre. Nous avons entendu parler de répression des pillages par les milices citoyennes, et aussi par l’État. Peux-tu nous en dire plus ?

Il n’y a pas eu de pillages de masse avant l’invasion russe. Pire encore, les pillages n’étaient pas un élément important du mouvement Maïdan en 2014 ; ce mouvement était relativement ‘civilisé’ et les seuls pillages ont eu lieu à Kiev (les bâtiments que les manifestants utilisaient comme hôpitaux ou camps), et dans l’Ukraine occidentale après que s’est installée une dure répression : les commissariats étaient pillés, des voitures brûlées, etc., mais il n’y avait pas de pillage généralisé des rues commerciales.

Dans les débuts de l’invasion du Donbass en 2014, il y a eu quelques pillages, et ils avaient essentiellement lieu dans les territoires que l’Ukraine ne contrôlait plus, ce qui a servi de bonne excuse pour les propagandistes pour montrer les photos des supermarchés détruits et vides juste à côté des étagères pleines des magasins ukrainiens ‘civilisés’ et ‘européens’. De ce fait, le pillage et le ‘maraudage’ ont été attachés à l’image des ‘barbares’ pro-russes, ils sont vus comme le signe de l’arrivée de la ‘horde’ du monde russe. Ces jours-ci on observe la continuation de la tendance de 2014 : les pillards sont vus comme l’équivalent de soldats russes.

J’ai entendu parler de pillages dans les premières heures du 24 février, juste après l’invasion, quand les banques ont cessé de fonctionner pendant un moment, et quand les gens ne pouvaient plus acheter les marchandises en diminution rapide. Une fois que l’avance russe a été ralentie et que la civilisation capitaliste a réaffirmé ses droits, le pillage est devenu plus dispersé mais extrêmement répandu ; les gens pillaient des petits magasins en quête de nourriture, de cigarettes ou d’alcool (il est illégal de vendre de l’alcool en temps de guerre en Ukraine), en petits groupes ou individuellement ; les gens s’introduisent dans les magasins d’électronique, dans les concessions automobiles ; et il y a aussi des plus grands groupes, pillant collectivement des plus gros magasins pour de la nourriture, ce qui est plus répandu dans les villes assiégées ou occupées. Je ne suis pas sûr de pouvoir donner des chiffres à ce sujet, mais j’ai vu au moins une centaine de pillards capturés et ligotés à des poteaux de téléphone, essentiellement par des civils, sans que la police soit impliquée, et plusieurs dizaines de vidéos de vidéosurveillance montrant des gens pénétrant dans des magasins. Si, au début, des arrestations ont pu être le fait de la police ou des milices nationalistes, à présent ce sont plutôt des citoyens faisant leur travail.

La population en général tend à soutenir ces mesures anti-pillages, essentiellement parce que les pillards sont souvent décrits comme des ‘maraudeurs’ (un terme plus grave, qui évoque le cambriolage de maisons privées et non pas de magasins abandonnés). Les rapports officiels mentionnent ce que les pillards ont volé, et ça développe cette conception du ‘maraudage’ dans des proportions importantes. Pour moi, il est tout à fait clair que les autorités ukrainiennes, en dépit de leurs déclarations sur l’héroïsme et le patriotisme, sont prêtes à sacrifier des milliers de personnes coincées dans les villes attaquées. L’État et la police ne se soucient pas de notre survie, ils se soucient de la survie de la loi en tant que telle, et de la survie de l’économie.

Zelensky a passé un amendement à plusieurs lois qu’on peut trouver ici : https://zakon.rada.gov.ua/laws/show/2117-IX#Text.

En gros, ces amendements augmentent les peines pour ‘maraudage’ et diminuent le seuil de qualification d’un acte criminel : avant, il fallait voler ‘de grandes quantités’, à présent n’importe quel délit en temps de guerre entre dans cette catégorie.

Y a-t-il eu des grèves en Ukraine depuis le début de la guerre ?

Je n’ai pas vu de grèves pour le moment, mais l’économie est désorganisée de toute façon, dans la mesure où un grand nombre de gens ont fui sans se soucier de leur travail. La plupart des pompiers, policiers, éboueurs et un certain nombre d’autres services municipaux dans les villes assiégées ou bombardées continuent à fonctionner, ce qui est d’ailleurs utilisé par la propagande qui chante les louanges des gens réduits en esclavage pour des salaires de misère, vantés comme ‘héros de la patrie’.

L’Ukraine n’a pas vraiment de structures syndicales, même s’il y a plein de syndicats ‘jaunes’ hérités de l’URSS, mais en gros ils n’existent pas vraiment et n’ont jamais organisé une seule grève de toute leur existence.

Existe-t-il un mouvement de base qui s’opposerait à la guerre sur une base non nationaliste ?

Je ne pense pas qu’il y ait une possibilité d’une résistance ‘populaire’ anti-État contre la guerre, même s’il faut absolument garder un œil sur la résistance civile, les pillages et les manifestations. Mais je pense qu’il y a une forte probabilité que les milices nationalistes mobilisent leurs forces pour affirmer leur pouvoir ‘dans la rue’, et peut-être influencent les décisions politiques si Zelensky décide d’accepter un accord de paix ‘pro-russe’.

Il y a plusieurs organisations anarchistes qui ont fait des distributions de nourriture et organisé des abris pendant le temps de paix, et ils se sont mis à soutenir les milices et les réfugiés, en particulier les personnes queer qui courent un gros risque d’être conscrits en ce moment. Les organisations anarchistes ukrainiennes sont relativement petites et ont une haute composition militante et masculine, ce qui fait qu’ils sont essentiellement en train de s’entraîner au combat, ou combattent les Russes au sein de milices ou de bataillons de l’armée régulière.

As-tu des informations sur ce qui se passe en Russie en opposition à la guerre (manifestations, grèves…) ?

Il y a eu quelques petites grèves en Russie, mais la structure syndicale est à peu près la même qu’en Ukraine : les syndicats sont vus comme d’anciennes institutions soviétiques qui n’ont guère de chance d’être impliquées dans des actions dirigées contre l’État (les syndicats ukrainiens n’ont rien fait même pendant Maïdan). Les mobilisations qui ont eu lieu en Russie, Ukraine, Kazakhstan et Biélorussie (pays similaires, avec bien sûr quelques différences) ont été spontanées et centrées autour des places et des rues plus que sur une organisation plus classique au niveau des usines, comme on pouvait s’y attendre dans la période actuelle.

Les premières protestations contre l’invasion ont été à peu près complètement spontanées, mais il y a eu ensuite quelques appels ‘officiels’ pour des manifestations de la part de Navalny et d’autres forces libérales, et il y a eu quelques ‘innovations’ tactiques dans ces manifestations aussi. La prochaine manifestation est prévue dimanche 13 mars.

La police ne laisse en fait pas assez d’espace à ces manifestations pour qu’elles puissent être dirigées par les partis libéraux, ce qui fait que les appels par Navalny servent surtout à définir leur lieu et leur moment. Cependant, je n’ai rien vu pour l’instant qui suggérerait que des tactiques ‘black blocs’ ou ‘anarchistes’ se soient répandues parmi les foules ; il y a seulement eu quelques tentatives de ‘desarrestations’ qui ont dérangé la routine habituelle ‘venir à une manifestation – être arrêté sans aucune opposition de la foule par des policiers qui entourent la manifestation de tous les côtés – passer une nuit en prison’ ; il y a eu des manifestants arrêtés pour plusieurs jours et qui font face à des charges qui peuvent les envoyer en prison pour des années. Je pense que ces actions de protestation doivent avoir lieu à une bien plus large échelle pour avoir une chance de réussir à déranger l’effort de guerre, et j’espère que des actions de sabotage individuelles ou de nouvelles tactiques de masse pourront ‘escalader’ la protestation.

Veux-tu ajouter quelque chose ?

La situation est plutôt morose ; non seulement la ‘classe’ mais même la ‘pauvreté’ sont des ‘non-mots’, quand les Ukrainiens se présentent eux-mêmes comme un pays de classe moyenne respectable. Ça se voit dans la condamnation générale des pillages, dans l’héroïsation des travailleurs des services plutôt que d’admettre que les options sont limitées. La xénophobie généralisée et les appels au génocide des Russes coexistent avec la négation de l’existence de fascisme en Ukraine : ‘tu vois, le régiment Azov n’a pas fait de photo avec le drapeau du Troisième Reich depuis deux ans !’. Les gens se débattent pour parvenir à s’enfuir de leurs villes natales et se réfugier à l’ouest ; les officiels ont pris une position de retrait, encourageant essentiellement les efforts des volontaires et les ‘protégeant’ avec la police.

Je ne soutiens pas les appels à la solidarité avec l’État, la police et l’armée au nom d’une ‘situation d’urgence’, mais je pense que les exemples d’organisation et de solidarité à la base donnent de l’espoir que quelque chose pourrait réellement changer, et que nous pourrions être en mesure de détruire non seulement ce fascisme et cette guerre, mais la base du fascisme et des guerres ! Le système dans lequel nous vivons n’engendre pas seulement la destruction, mais se nourrit de la destruction ; nous allons devoir apprendre à vivre avec et à nous organiser sans, à détruire ses bases fragiles et à créer la possibilité d’une liberté collective par-dessus tout.




Tchiorni stag 2022-02-19jpg
класи цє вигадка ліваків і нам треба єднатись бо ми ж однієї нації
classes are the invention of leftists and we need to unite because we are one nation
les classes sont l’invention des gauchistes et nous devons nous unir car nous sommes une seule nation 
(Tiré du facebook du groupe Drapeau noir, 16 février 2022)